Sur la piste de Qīng míng shàng hé tú 清明上河图 [追踪«清明上河图»]

ou Les tribulations d’un rouleau (de papier) peint.

D’aucuns se demandent peut-être de quelle  peinture est extraite l’image qui surmonte ce blog.

Il s’agit de la partie centrale* d’un rouleau exécuté en 1127 par Zhang Zeduan 张择端, d’abord fonctionnaire militaire au Shandong, puis étudiant à l’école de peinture du Palais Impérial, à Bianjing 汴京. L’original est un lavis sur soie à l’encre de Chine (il aurait été ridicule d’importer de l’encre, à cette époque) rehaussé de couleurs, d’une longueur de 528,7 cm sur 24,8 cm. Autant dire que vous aurez de la peine à le suspendre dans votre salon.

On peut traduire le titre par « Le long de la rivière Bian, dans la capitale prospère en temps de paix » (ou « Le long de la rivière pendant le festival Qingming », ou encore « Toile sur la rivière lors de la Fête des morts »). Zhang Zeduan y représente la rivière Bian 汴水, quand elle traverse Bianjing, capitale des Song du nord (960-1127) et actuelle Kaifeng. Si 1127 est la bonne date, on se souviendra que cette année marque la fuite sans gloire  des Song, et le transfert de la capitale de Bianjing/ Kaifeng à Hangzhou, pour la grande joie des Song du sud (1127-1279) qui rejoignaient ainsi le paradis sur terre, et au grand désespoir du poète Lu You (陆游), qui rêva toute sa vie de croiser le fer avec les barbares venus du nord-est, sans jamais parvenir à les rencontrer.

Son premier propriétaire est l’empereur Hui 宋徽宗. En 1279, le rouleau quitte Hangzhou pour passer en Chine du nord. Sorti frauduleusement du Palais impérial, il est vendu et revendu à des familles d’aristocrates ; en 1524, on l’aperçoit à Changzhou, entre les mains de Lu Wan 陆完, dont l’épouse aurait faire faire une copie ; Yan Song 严嵩, ministre des Ming, l’achète (la copie ou l’original ?). L’empereur ayant été mis au courant, Yan est dépossédé de tous ses biens, le rouleau retrouve son écrin au Palais  Mais un eunuque, Feng Bao, le dérobe en 1578 ; on le voit passer entre 1736 et 1795 chez Lu Feixi, puis chez Bi Yueyin. Il réintègre le Palais sous les Qing. Pu Yi 溥仪, le « dernier empereur », en hérite en 1911, le cache en 1925 dans la concession française de Tianjin(au lieu dit Le jardin des Zhang 张园) avant de l’emmener en Mandchourie, en 1932. En 1945, le maître de l’éphémère Mandchoukouo 满洲国 tente de s’enfuir ;  le rouleau, qui ne trouve pas sa place dans l’hélicoptère nippo-impérial, disparaît lors du sac du palais de Changchun 长春. En 1949, Zhang Kewei 张克威, officier de l’armée populaire de libération, en retrouve la trace et le confie au musée du Nord-Est, qui l’enverra à Pékin. L’affaire n’est pas terminée : un complice de Lin Biao 林彪, Li Zuopeng 李作鹏, s’en serait brièvement emparé pendant la révolution culturelle. Mais la fin du « coup d’Etat de la ligue contre-révolutionnaire » du maréchal Lin Biao renverra l’œuvre au musée.

Aujourd’hui, elle se trouve au musée d’histoire, place Tiananmen, et n’est exposée qu’à de rares occasions.

Cela étant, je possède également deux originaux. C’est du moins ce que m’ont certifié les deux vendeurs pékinois qui, le cœur déchiré de m’abandonner un trésor national pour un montant dérisoire, me les ont bradés, à trois ans d’intervalle. Lequel est le vrai ? Et quelles sont les deux sauvegardes ? Détiens-je l’original du XIIe siècle et la copie du XVIe siècle ? Suis-je riche ?

* Note de l’administratrice : La partie centrale apparaissait dans l’ancienne version de notre blog. A présent, le morceau qui compose la bannière est la première partie (gauche) du rouleau.

 Patrick Doan

3 réflexions sur “Sur la piste de Qīng míng shàng hé tú 清明上河图 [追踪«清明上河图»]

  1. potiez dit :

    bonjour
    je possede aussi une copie de l original , mais qui ne mesure qu environ 4m30 . elle me parait ancienne et en tres bon etat . en comparant les sceaux avec l original , j ai noté des différences , ainsi que des modifications dans le texte au dessus du dessin. j aimerai avoir votre aide pour moi pouvoir elucider cela. je vous remercie.

    • Patrick Doan dit :

      Bonjour,
      Je peux tout au plus vous certifier que vous avez une vraie copie de l’original. Pour ce qui est du sceau, je vous envoie (sur votre messagerie) ce qui semble être le sceau original (en haut, à droite du rouleau) ; mais l’original est constellé de sceaux, chaque propriétaire ayant ajouté le sien, ce qui a permis d’en retracer l’histoire. Vous trouverez sur internet de nombreuses « reproductions » du rouleau : en peinture, en sculpture, en gravure, en dessin animé, en opéra… Mais l’original est bien caché, dans la cité interdite, à Pékin.

      • potiez dit :

        je vous remercie pour votre reponse , je vous enverrai d autres photos des que j aurai recu votre message sur ma boite mail. je vous remercie d avoir consacre du temps pour repondre à mes interrogations .
        cordialement

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